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Loi « immigration » : « S’il y a tout à craindre d’un gouvernement des juges, il y a plus encore à craindre d’un gouvernement sans juge »

L’exécutif – le président de la République et le gouvernement – a joué un jeu dangereux avec la loi « immigration ». Au prétexte de vouloir une loi à tout prix, il a conclu un accord permettant d’adopter un texte intégrant des mesures manifestement contraires à la Constitution : il le savait, mais il comptait expressément sur le Conseil constitutionnel pour les faire disparaître et revenir ainsi à une version de la loi que la majorité jugeait plus acceptable.
Certes, le gouvernement peut se satisfaire d’avoir obtenu gain de cause : les nombreuses censures prononcées dans la décision de jeudi 25 janvier permettent de valider la loi dans une version proche de celle qui fut déposée initialement. Cette stratégie n’est pas gagnante pour autant : elle jette l’opprobre sur notre Constitution et sur le Conseil constitutionnel, l’institution chargée de la préserver. Or le président de la République a pour mission, en vertu de cette même Constitution, de veiller sur son « respect » et d’assurer, « par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ».
En encourageant l’adoption d’une loi qu’il savait inconstitutionnelle sur les parties qui ont permis que l’accord se fasse, il a contribué à la situation que nous rencontrons aujourd’hui. La Constitution est dénoncée comme ne permettant pas au législateur de pouvoir effectivement exprimer la volonté générale, et le Conseil constitutionnel est attaqué car il s’opposerait à ce que la représentation nationale exprime librement la voix du peuple.
Cette stratégie est dangereuse, car la Constitution est la norme qui nous unit et qui nous protège. En veillant sur elle, le Conseil constitutionnel garantit cette union et cette protection : elle constitue le dernier rempart contre les atteintes dont elles peuvent faire l’objet. Si, dans une démocratie, le gouvernement provient du peuple, s’il y a tout à craindre d’un gouvernement des juges, il y a plus encore à craindre d’un gouvernement sans juge.
Ainsi que le Conseil constitutionnel l’avait exposé en 1985, la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution. Il est ainsi le garant de l’Etat de droit et il s’assure que les institutions, en particulier le Parlement, puissent librement s’exprimer, pourvu qu’elles le fassent en respectant ce que la Constitution prescrit : c’est ainsi que les droits et les libertés des citoyens seront garantis.
Parce que la loi a vocation à régir notre vie quotidienne, elle doit en effet être lisible, accessible et compréhensible par tous : c’est, là encore, une garantie de l’Etat de droit. On ne peut soutenir que nul n’est censé ignorer la loi si tous les citoyens n’ont pas les moyens de la comprendre. La jurisprudence relative aux « cavaliers législatifs » poursuit précisément cet objectif : veiller à ce que la loi soit compréhensible. Elle doit être lisible et claire et elle doit éviter de s’écarter du domaine dans lequel elle s’inscrit. Les citoyens peuvent ainsi plus aisément savoir à quelle loi se référer lorsqu’ils recherchent la règle applicable au domaine concerné.
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