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« Les Jeux olympiques [JO] de Paris 2024 seront les premiers Jeux strictement paritaires de l’histoire », clamait le Comité national olympique (CIO) dans un communiqué de presse en 2020. Cette « parité parfaite » annoncée n’est toutefois pas totalement atteinte, avec 49,14 % de femmes qualifiées parmi les athlètes. Les disparités sont particulièrement visibles en cette deuxième semaine d’olympiades, avec la tenue d’épreuves exclusivement masculines, comme la lutte gréco-romaine, ou 100 % féminines, en gymnastique rythmique.
L’objectif de parité a bien été respecté au niveau des 10 500 places qualificatives prévues par le CIO, qui assure avoir « offert une égalité des chances aux athlètes femmes et aux athlètes hommes » avec une répartition « 50-50 ». Mais selon les données de Paris 2024, 11 237 athlètes se sont qualifiés pour les JO, avec 192 hommes de plus que de femmes.
Cet écart s’explique d’abord par un système de qualification qui varie selon les fédérations internationales et les comités nationaux olympiques. « Dans certains sports, le nombre d’athlètes qui atteindront une norme de qualification spécifique ne peut être prédit avec précision à l’avance, ce qui fait que le nombre d’athlètes se qualifiant est supérieur ou inférieur au quota initial », a expliqué le CIO au Monde. Le fossé se creuse en particulier dans cinq disciplines, sur les 45 disputées à Paris : la lutte, l’équitation, le football, la gymnastique rythmique et la natation artistique.
En lutte, les femmes représentent seulement un tiers des athlètes qualifiés. En cause, l’absence d’épreuves féminines en lutte gréco-romaine – une pratique héritée des JO de l’Antiquité, où l’attaque n’était permise que sur le haut du corps et uniquement avec les bras. Les femmes ont néanmoins accès à la lutte libre aux Jeux depuis 2004, soit un siècle après leurs homologues masculins.
A contrario, aucun homme ne participe à la gymnastique rythmique, seule discipline exclusivement féminine des Jeux de Paris 2024. « Ces sports sont très stéréotypés », observe Mathilde Julla-Marcy, enseignante-chercheuse en sociologie à l’université de Nantes, spécialiste du sport de haut niveau, qui relève la « violence » associée à la lutte et donc aux hommes, et l’« esthétique » à la gymnastique et aux femmes.
« Souvent, les Jeux ne font qu’entériner les évolutions d’un sport », résume la chercheuse. En football, où la déclinaison féminine fait partie des JO depuis 1996 (1900 pour les hommes), les joueuses représentent moins de 43 % des qualifiés de cette édition. Pour que la densité du tournoi soit élevée, les Jeux proposent à 12 équipes féminines de s’affronter, alors que le tableau masculin est composé de 16 équipes.
« Il s’agit d’un paradoxe car le foot féminin regroupe les meilleures équipes mondiales aux JO, à la différence des hommes », analyse Mathilde Julla-Marcy. En effet, les équipes masculines doivent composer leurs effectifs avec la contrainte de sélectionner seulement des espoirs de moins de 23 ans. Seuls trois joueurs plus âgés peuvent être intégrés, à condition qu’ils soient libérés par leur club, ce qui est rarement le cas et prive le football masculin de ses stars, à l’image de Kylian Mbappé, retenu par le Real Madrid.
Autre exemple d’ouverture très timide : la natation artistique. La discipline a été pour la première fois ouverte aux hommes lors des JO 2024, dans l’épreuve par équipe. Pourtant, aucun pays ne présente de nageur masculin. « Le vivier international est encore trop restreint et l’inclusion des hommes, moins préparés, aurait impliqué une diminution de la performance collective », décrypte la sociologue, qui note le « même mécanisme de rattrapage progressif » que dans le football féminin. Les hommes ont pu participer aux compétitions de haut niveau seulement depuis les championnats du monde de 2015 et accusent toujours un retard significatif.
Certaines disciplines n’ont pas de déclinaison masculin-féminin et ont été construites comme des équivalents. En gymnastique artistique, la parité est parfaite mais les épreuves sont différentes, entre les quatre agrès féminins (saut de cheval, barres asymétriques, poutre et exercices au sol) et les six agrès masculins (exercices au sol, cheval d’arçons, anneaux, saut de cheval, barres parallèles et barre fixe).
En athlétisme, il existe deux disciplines exclusivement masculine ou féminine, mais celles-ci se compensent en termes d’effectif : le décathlon, réservé aux hommes, et l’heptathlon, pour les femmes, depuis 1984. « Quand les épreuves combinées ont été ouvertes aux femmes, elles ne pratiquaient pas le saut à la perche, considéré comme très risqué et technique, retrace Mathilde Julla-Marcy. La perche était interdite aussi parce qu’on croyait que cela provoquerait une descente d’organes et mettrait en danger leurs capacités reproductives. » L’heptathlon est alors apparu comme une version réduite du décathlon, sans saut à la perche, ni lancer de disque et avec une course de moins.
Ce n’est que très récemment que les premiers championnats de France de décathlon pour femmes ont été organisés, du 13 au 14 juillet 2024, à Talence (Gironde), alors que des revendications pour que les femmes puissent concourir en décathlon émergent aux Etats-Unis. « L’heptathlon est vu comme une discipline moins polyvalente que le décathlon, ce qui participe à dévaloriser la performance des heptathloniennes et joue dans la minorisation des femmes dans le sport », appuie la chercheuse.
Pour assurer la parité, l’organisation d’épreuves mixtes pourrait apparaître comme une solution. Le relais mixte marche marathon, nouvelle épreuve olympique, a ainsi remplacé le 50 kilomètres marche masculin aux JO, obligeant les délégations à faire concourir autant de femmes que d’hommes.
Mais en l’absence de quota, cette parité n’est pas systématiquement atteinte. L’équitation, où toutes les épreuves sont mixtes, concentre ainsi plus de 60 % d’hommes. Sur les douze cavaliers qualifiés en équipe de France, on ne compte que deux femmes, dont une remplaçante – un paradoxe alors que les cavalières représentent près de 85 % des licenciés dans le pays. « La professionnalisation est défavorable aux femmes, relève Mathilde Julla-Marcy. Cela montre que quand un sport est mixte, de fait, il y a une domination masculine. »
Mathilde Lafargue
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